LIVRE D'OCCASION
1945. D'un pas décidé, le Sergent Saïd ou Boussaïd grimpe le sentier rocailleux qui mène de la « route de carrosse » à Aggouni, son village. Un hameau de Kabylie perché sur un piton où ne vivent, ne survivent plutôt, que les kabyles et les chacals.
Louanges à Dieu ! La guerre est finie. Saïd a le cœur en fête. Après avoir payé le « prix du sang » en Tunisie, en Italie, en France, en Allemagne, il va, enfin, le retrouver son village. Mais il n'y croupira plus, paysan sans terre, exploité et consentant. Le monde a changé. Saïd aussi.
... Il n'y a plus de village ! Plus qu'un chaos de ruines noircies !
Alors, atterré, Saïd se souvient.
8 Mai. L'euphorie de l'armistice. Et puis, une voix à peine audible à la T.S.F., Radio-Alger : « Malheureusement... journée assombrie... attentats... Sétif... Kherrata... nationalistes algériens... action vigoureuse de l'armée... tout est calme... ».
Tout est calme. En effet.
Le Sergent Saïd ou Boussaïd fouille sa poche, en extirpe une poignée de médailles, celles qui devaient tant épater sa famille, les copains, et, d'un geste violent, il jette, en direction du douar anéanti, ces breloques d'une gloire inutile.
... C'est ce jour-là que Saïd partit dans la montagne, rejoindre les chacals, ses frères, pour y vivre comme une bête sauvage et tenter de retrouver sa dignité berbère d'Amazigh « homme libre ».
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